La Relance du DMP... La Saga continue

L'Informaticien - 29 avril 2008
Alain Baritault

L’arche de Noé a été construite par une bande d’amateurs… Le Titanic a été construit par des professionnels… !

Texte original sur linformaticien.com

Un communiqué de presse du 23 avril indiquait la sortie imminente du rapport de la mission présidée par Michel Gagneux sur la relance du DMP (Dossier Médical Personnel). A noter que ce rapport est le deuxième en quelques mois, le précédent datant de la mi-novembre 2007. Interrogé, le cabinet de Mme Bachelot Narquin précisait que le rapport ne serait pas publié le 30 avril comme prévu, mais sera divulgué quelques semaines plus tard accompagné des intentions de la Ministre pour assurer la relance du DMP après concertation.

Voila une intéressante approche de la concertation et de la communication qui consiste à ne pas rendre ce rapport public. N’oublions pas que les Assises du Numérique doivent se tenir à la fin du mois de mai pour réunir tous les partenaires concernés par l’impact des technologies numériques sur le développement économique et social de la nation. La santé n’est-elle pas invitée ? Pourtant, une version non (encore) expurgée de ce deuxième rapport, daté du 11 avril 2008 et intitulée « Pour un Dossier Patient Virtuel et Partagé et une stratégie Nationale des systèmes d’information de santé » se trouve sur le site de www.i-med.fr depuis la semaine dernière, repris par tous ceux qui sont concernés par le sujet.  Le nouveau DMP commence donc par ne plus s’appeler le DMP mais le DPVP… les futurs usagers y verront une énorme évolution.

Depuis 2004, ce projet de Dossier Médical Personnel dématérialisé a fait couler beaucoup d’encre et a pas mal agité la communauté des acteurs de la santé, dont les patients font partie aussi. A la fin 2007, c’est l’impasse et en décembre, la Ministre demande à Michel Gagneux, Inspecteur Général des Affaires Sociales (IGAS) de réunir une mission dont l’objectif sera de relancer le DMP, à défaut d’en repenser complètement l’approche.

L’approche pour le DMP an II est de penser l’informatique principalement comme un outil de productivité : « montrer tout ce que les outils de partage et d’échange peuvent apporter aux professionnels de santé : une meilleure fiabilité de l’information, un meilleur suivi du parcours de soins du patient, une meilleure coopération sur la base de protocoles partagés, une meilleure auto-évaluation de la pratique, une meilleure utilisation du temps purement médical, un meilleur accès à la connaissance médicale et aux guides de bonnes pratiques… ». C'est-à-dire qu’elle est appréhendée comme un moyen de faire des économies dans les procédures et de les rationaliser grâce au partage et à l’échange de l’information.

Une approche déjà obsolète

Le DMP est donc à la base d’une nouvelle organisation de la santé, et son but est de réaliser des gains de productivité. Mais l’informatique n’est plus simplement un outil de productivité, c’est aujourd’hui un outil social de communication et d’organisation structurée de façon plus souple et flexible. Elle est un outil qui doit permettre au malade, au patient, au citoyen (et ses proches, y compris son médecin) de créer, de structurer et d’organiser son propre environnement de santé, en assurant la communication entre les différents acteurs qui interviennent autour de lui et de sa santé, qu'il soit malade ou pas. L’évolution du Web et des sites dits « sociaux » nous le démontre tous les jours. L’approche du DMP an II, si l’on donne foi à ce raisonnement, est donc déjà complètement obsolète. C’est à peu près comme si Google décidait de lancer une suite logicielle packagée pour concurrencer Office de Microsoft.

Le patient semble, une fois de plus, considéré comme un simple rouage presque négligeable du système, « rien cependant n’empêche, bien au contraire, que les représentants des patients puissent être associés étroitement à tous les stades, à la définition et à la mise en oeuvre du dossier patient partagé. » Dénotant une approche typiquement « top-down » jacobine à la Française, la mission ne semble pas encore totalement convaincue de l’intérêt réel de l’usage des technologies de l’informatique chez les professionnels de la santé. « La configuration du DMP ne pourra être façonnée que par l’usage, et en coopération avec les professionnels ; sa diffusion auprès du plus grand nombre ne sera possible qu’une fois faite la démonstration de son utilité en situation réelle. »

Outils et infrastructures ne sont jamais neutres

En d’autres termes, cela veut dire qu’on ne sait pas trop bien ce que ça va apporter mais on fait confiance aux professionnels pour trouver des usages qui les intéressent. Il faut le faire de toute façon parce que les gains d’efficacités seront importants et il faut juste s’efforcer de fournir les outils et l’infrastructure qui vont bien… Simplement, en informatique, les outils et les infrastructures ne sont jamais neutres, Microsoft et les opérateurs historiques de tous les pays nous l’ont bien montré.

Pourquoi donc aborder une logique de dossier partagé de façon centralisée, unitaire et globalisante ? Les approches architecturales mises en oeuvre depuis que le Web existe ont montré un foisonnement et une grande richesse qui aident à renouveler l’organisation et la gouvernance des sociétés vers une plus grande flexibilité, une plus grande efficacité et des coûts moindres. Mais la sécurité et la confidentialité ne doivent en aucun cas être une excuse.

L’une des recommandations du rapport pour la relance du DMP est « de reconnaître le caractère volontaire – et donc légalement facultatif – de l’ouverture du DMP sur la base d’un consentement explicite et éclairé, [ce qui] devrait permettre en contrepartie de justifier un régime de consentement moins formaliste pour la gestion des habilitations données par le patient aux professionnels de santé ».  Ainsi, il n’y aura aucune sanction financière pour l’utilisation ou la non utilisation du DMP et il s’agit d’instaurer une traçabilité fiable et visible de tous les accès au dossier partagé, aussi bien pour les professionnels que pour les patients. Il faudra donc modifier la loi… Le DMP ne sera réellement adopté que si les usagers y voient un certain intérêt. Nous voici  donc revenu aux usages… et à la valeur ajoutée que le DMP offrira aux utilisateurs, patients et professionnels.  Mais pourquoi Facebook a-t-il donc connu un tel succès ?...

Une Journée de la relance du DMP

Le chapitre 7 du rapport énumère ensuite les conditions d’une relance rapide du déploiement du DMP basée sur une stratégie maîtrisée après concertation pour le lancement d’une phase pilote. Cette concertation se tiendra à l’occasion d’une « Journée de la relance du DMP » qui regroupera les acteurs impliqués à tous les niveaux dans ce projet et conduira à une feuille de route établie par la Ministre. Il est probable que cette journée se tiendra d’ici la fin du mois de mai. Nous laisserons à la Ministre le soin d’annoncer ses choix à cette occasion.