Chris Jordan
« L’art transforme-t-il notre conscience du réel ? » C’était le sujet du bac philo 2008 en série S.
S’il y a bien un artiste que les élèves de terminales auraient gagné à connaître pour répondre affirmativement de manière argumentée, c’est incontestablement Chris Jordan.
Précipitez vous sur son site : www.chrisjordan.com et admirez/soyez subjugué par l’exposition Running the Numbers que Chris Jordan présente ainsi :
"Running the Numbers looks at contemporary American culture through the austere lens of statistics. Each image portrays a specific quantity of something: fifteen million sheets of office paper (five minutes of paper use); 106,000 aluminum cans (thirty seconds of can consumption) and so on. My hope is that images representing these quantities might have a different effect than the raw numbers alone, such as we find daily in articles and books. Statistics can feel abstract and anesthetizing, making it difficult to connect with and make meaning of 3.6 million SUV sales in one year, for example, or 2.3 million Americans in prison, or 32,000 breast augmentation surgeries in the U.S. every month.
This project visually examines these vast and bizarre measures of our society, in large intricately detailed prints assembled from thousands of smaller photographs. Employing themes such as the near versus the far, and the one versus the many, I hope to raise some questions about the role of the individual in a society that is increasingly enormous, incomprehensible, and overwhelming."
Cette photographie a été réalisée en arrangeant 213 000 pilules de Vicodin, autant que de consultations annuelles en urgence dues à un surdosage ou un mauvais usage d’anti-douleurs aux États-Unis.
Chris Jordan était avocat d’affaires, se définissant lui-même comme un « corporate dead », un mort-vivant du business, cynique, désengagé et ambitieux. Il a tout abandonné pour se lancer dans la photographie.
Lors d’une interview par Flore Vasseur, relatée dans le magazine Le Monde 2, il explique :
« L’immensité de notre consommation m’apparaît obscène, macabre, bizarrement comique voire ironique. Parfois même profondément belle. Collectivement, nous sommes responsables d’une énorme perte. Individuellement, personne n’a conscience de son ampleur. Personne n’est responsable des effets. En risquant la prise de conscience, il se peut qu’au moins nous nous sentions vivants. »
« La mondialisation, la surconsommation sont des phénomènes très complexes. Nous sommes dépassés par cette complexité. Notre cerveau n’arrive pas à comprendre la valeur des nombres. J’ai le sentiment d’une apocalypse en mouvement. Aujourd’hui, nous ne ressentons pas assez. Anesthésiés, nous taisons notre colère, notre chagrin. Nous sommes convaincus de ne pas compter. Individuellement, nos comportements ont peu d’impact. Collectivement, nous sommes extrêmement destructeurs. L’image peut nous aider à appréhender la monstruosité des chiffres. En rendant les chiffres visuels, je veux faire comprendre ce qu’est la consommation. »
Aparté : ayant un doute sur le genre du nom « interview », je suis arrivé sur le site FrancaisFacile.com où se trouve une liste de mots féminins : « acné, agrafe, alluvion, amnistie, anagramme, apostrophe, atmosphère, échappatoire, écritoire, éliminatoires, éphéméride, épithète, épître, équivoque, icône, idylle, immondices, interview, mandibule, nacre, octave, omoplate, orbite, volte-face ».
Il est assez amusant de constater que « interview » y est pris en sandwich entre « immondices » et « mandibules »… sans commentaire !