Le château des Soviets

C’est en général une réelle satisfaction de découvrir que quelqu’un exprime publiquement un sentiment, une impression, quelque chose que vous sentez intuitivement sans parvenir à le généraliser. Mais quand vous êtes ainsi amené à constater qu’une intuition désagréable est devenue une tendance fâcheuse et palpable, l’effet est plutôt anxiogène. Jugez-en :

Une des chroniques de Didier Nordon dans le magazine Pour la Science de décembre est baptisée « La revanche des Soviets », et pour tous ceux qui suivent d’un peu près la grande aventure du Dossier Médical Personnel (le DMP), elle semble funestement taillée sur mesure.

Alerte ! L’URSS est en train de gagner la guerre. Il se passe actuellement ce qui se passe si souvent au cours de l’histoire : le pays qui a perdu la lutte politico-militaire impose ses mœurs à ses vainqueurs.
Une caractéristique de l’URSS était l’incohérence entre les réalités et les descriptions qui en étaient faites dans les rapports. Sur le papier, les programmes étaient toujours remplis à 150 sinon 200 pour cent. Dans les faits, il en allait bien autrement. L’URSS était un château de bluff.
Ce phénomène a disparu de l’URSS – et pour cause !-, mais n’a pas disparu de la planète pour autant. En France, toutes les professions sont infestées d’objectifs à atteindre et de bilans affirmant que les objectifs de la période écoulée ont effectivement été réalisés. Le temps de travail est dévoré par le temps consacré à se faire évaluer, à s’auto-évaluer, à s’entre-évaluer. L’idéologie de l’optimisation des rendements a des effets aussi néfastes que l’idéologie communiste : les procédures bureaucratiques de contrôle d’activités se multiplient, donc aussi, fatalement, les ruses mises en place pour faire croire aux représentants que tout se passe selon leurs désirs. Le décalage entre les faits et l’image qui en est donnée est énorme. Gare au jour où tout cela s’écroulera !

L’un des tournants du DMP a eu lieu lorsque le troisième haut fonctionnaire nommé à sa tête en un peu plus d’un an a signifié aux industriels qu’ils avaient construit des châteaux en Espagne en imaginant que chaque dossier pourrait être rétribué entre 10 et 20 euros annuels alors que le vrai chiffre était dix fois moindre. En réalité, je sais depuis longtemps, mais sans avoir trouvé le mot moi-même, qu’il s’agit bien dès l’origine d’un château de bluff.

Le 4 décembre, le GIP-DMP (en l’espèce Groupement d’Intérêts Politiques bien avant l’intérêt public) organise une “grand-messe avec Ministre”. Je vais aller écouter en anthropologue les paroles de nos nouveaux Soviets. En tout cas, savoir grâce à Didier Nordon que cette triste mascarade s’étend bien au-delà de la sphère médico-technocratique fait froid dans le dos. Merci de vos commentaires… ils sont les bienvenus !

One Response to “Le château des Soviets”

  1. delamare Says:

    Tellement vrai que ça en fait froid dans le dos! L’URSS le retor, non, dans un pays néo-stalinien comme le nôtre, le cmmunisme n’a jamais disparu et continue à propérer!


css.php