Archive for January, 2007

Parfois

Thursday, January 11th, 2007

Parfois une émotion passe
discrète comme un rideau qu’on écarte.
Elle salue au passage le sang nomade
et laisse à la bouche
une infinie question.

Merci à Ernest Pépin d’écrire de si simples et belles choses… et à la RATP d’afficher des poèmes dans le métro.

Rendre possible

Tuesday, January 2nd, 2007

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ».

L’actualité donne à cette belle phrase de Saint-Exupéry un sens très concret, et met en évidence l’un des plus gros défauts actuels de la France : une capacité de prévoir l’avenir tellement fine qu’elle ne permet de le rendre possible… que pour les autres.

L’Irak est un très bon exemple de cette vision claire de l’avenir qui entrave la création. La diplomatie Française avait compris avant et mieux que toutes les autres les effets pervers de la guerre. Elle n’a pas su transformer cette vision en une capacité à rendre possible un autre avenir et, bien au contraire, s’est trouvée isolée dans une posture supposée arrogante et supérieure. La France n’avait pas la puissance nécessaire pour rendre un autre avenir possible, ses prévisions étaient inutiles.

En matière de systèmes d’information collectifs de santé, le Dossier Médical Personnel (DMP) existera certainement un jour. Fidèle à l’annonce de son prédécesseur, l’actuel Ministre de la santé, Xavier Bertrand, continue contre toute raison à prétendre que chaque Français pourrait en posséder un dès 2007, soit plusieurs années avant les autres pays industrialisés, dont la plupart ont démarré un chantier identique plus tôt, et avec des investissements supérieurs.
La hâte excessive avec laquelle a été instruit ce dossier est parfaitement résumée dans un rapport du 11 décembre 2006 à la commission consultative des marchés des organismes de sécurité sociale (CCMOSS) (voir ma page sur le DMP).

Vouloir à tout prix forcer le cours des événements est la meilleure façon d’empêcher toute mise en œuvre concrète et effective conclut en substance le rapporteur.

« Il faut imposer les normes existantes et compter que la généralisation des échanges d’informations s’étalera sur 10 ans » disent les industriels. C’est à la fois un peu court et franchement long.

Un peu court en ce qui concerne les supposées normes, puisqu’elles sont dans leur prime enfance et n’ont jamais été élaborées pour cet objectif. Franchement long en ce qui concerne les délais, car la plupart des gens qui ont réellement besoin d’un DMP n’ont pas les moyens d’attendre cette échéance (tandis que la grande majorité de ceux qui n’en ont pas besoin peuvent attendre une ou deux génération avant de souhaiter se doter d’une telle coquetterie pour le seul plaisir de « faire moderne »).

En réalité, l’ensemble du projet est mal conçu car ses promoteurs sont obnubilés par la construction d’un « dossier » alors que les acteurs de terrain (patients et professionnels) ont besoin de services.

Qu’un accord entre la Ligne de vie et Google soit finalisé, et la grande majorité des gens pour qui la continuité des soins est importante pourront utiliser les services nécessaires dans moins de trois ans. Le temps est un facteur clé pour les gazelles de la net économie ; pour elles 10 ans représente une éternité et – en comparaison – les sociétés de services classiques font l’effet d’éléphants. Mais on peinerait à trouver une seule société comme Google, e-Bay ou Yahoo dans les consortiums qui répondent aux appels d’offre du gouvernement puisqu’il ne s’agit pas de mettre en œuvre des services mais de construire un gigantesque système de gestion documentaire.

Il faudrait donc nourrir les éléphants pendant 10 ans… et comme la transformation d’une entreprise dont le métier est de répondre à des appels d’offres en une société qui propose ses services au client final est presque impossible, l’espoir que les pachydermes se transforment en gazelles entre temps est à peu près nul. Les alimenter, c’est renoncer presque à coup sûr à voir naître un véritable espace de services autre que dissident.

Le plus tragique, c’est que les mastodontes autoproclamés “éléphants officiels” grâce aux premiers appels d’offres se piquent désormais de savoir mieux que le gouvernement préparer les prochaines étapes. Il n’y a pas meilleure table que celle où l’on rédige soit même le menu…

Ainsi, en allant au plus simple (et surtout au plus rapide), le politique s’enferme-t-il dans une attitude schizophrène : ce qu’il annonce répétitivement comme une priorité, il s’ingénie avec la même persévérance à le rendre impossible par ses actions.

Souhaitons qu’en 2007, l’esquisse d’une corne de gazelle se dessine – même timidement – sur le fond grizâtre de l’amas des éléphants. Ce serait le signe que l’avenir est enfin rendu possible !


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