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2009 une équation avec du 2.0 et du neuf

Friday, January 2nd, 2009

Sagesse des foules, bêtise des foules, prédictibilité des foules ; c’est autour de ces concepts que s’affrontent les tenants, les opposants et les sceptiques du 2.0.
Après tout, disent ces derniers pourquoi demander leur opinion aux gens puisqu’il est possible de prévoir à l’avance la loi de répartition de leurs choix ? C’est une question fondamentale qui va peut-être obliger les passionnés du 2.0 à sortir du bois et à avouer leur extravagante ambition.

Dans un domaine suffisamment complexe pour faire intervenir le hasard, trouver la loi de distribution des événements est l’élément de base de toute action. Prévoir les crues du Nil constitue l’un des problèmes les plus anciens de ce type et a mis les hommes en échec pendant plusieurs millénaires. Pour simplifier (mais pas trop), les deux questions de base qui se posent à qui souhaite agir sur un environnement « hasardeux » sont de deux types : savoir si on peut estimer une tendance et évaluer le niveau de « sauvagerie » de ce hasard.

Dans la nature, Le terme de hasard « sauvage » a été employé par Benoît Mandelbrot pour qualifier le chaos des phénomènes naturels, que ce soit pour les crues du Nil, dont l’Anglais Harold Edwin Hurst a démontré qu’elles obéissent à une loi de puissance ou… pour les marchés financiers !
A contrario, on peut donner comme exemple de « sagesse » les distributions gaussiennes, où la probabilité qu’une donnée dévie de sa moyenne d’au moins 4 écarts-types est de 0,01 pour cent.

J’avoue à ce propos être sorti plutôt décontenancé de la lecture de l’ouvrage de Mandelbrot « Une approche fractale des marchés » où il dénonce une importance restée trop importante des lois gaussiennes dans les outils financiers et démontre l’importance des lois de puissance, mais surtout la suprématie de l’approche fractale.

Pour résumer, les lois de puissance sont asymétriques, avec une « longue queue » et leur nom vient du fait qu’elles sont représentées par une droite dans un repère logarithmique ; la pente de cette droite matérialisant la « puissance » de la distribution.
Plus la pente est douce, et plus la distribution est uniforme… pour mémoire, la distribution de Pareto des richesses au sein des sociétés humaines a une puissance de 3/2, qui dénote une forte hétérogénéité et l’accaparement majoritaire des richesses par un petit nombre.

Mandelbrot prouve qu’avec des lois fractales, on peut simuler une infinité de lois de puissance, donc s’approcher de très près des lois de nos mondes naturellement sauvages. Ce qui est frustrant dans son ouvrage, c’est que, s’il montre de façon convaincante que ses simulations fractales de cours de bourse peuvent tromper un expert, contrairement, précisément, aux modèles qui utilisent les lois actuellement en vigueur chez les analystes boursiers, il ne dit rien sur la capacité des fractales à prédire les tendances.

Mandelbrot démontre donc que les distributions fractales permettent de qualifier la volatilité (la sauvagerie) des phénomènes naturels, mais le problème reste donc entier car, pour avoir prise sur les événements, il faudrait comprendre comment une très grande somme de comportements individuels aboutit à une tendance générale, à la façon d’une dune, qui possède une loi d’évolution d’ensemble qu’il est bien difficile de déduire du comportement individuel de chacun de ses grains.

On pourrait déduire, de l’étude de nombreuses dunes au cours du temps, la loi qui régit leur progression, puis utiliser cette connaissance pour prévoir… par exemple la progression du désert. Le spéculateur aurait alors les outils lui permettant de parier sur les terrains à acheter ou à vendre. L’homme politique pourrait planifier l’exode des populations ou la construction d’une improbable muraille contre l’avancée du désert.

Mais imaginons que, par une ambition démesurée, on souhaite dépasser ces objectifs opportunistes ou fatalistes et faire reculer le désert !
Au lieu de se contenter de prévoir le mouvement statistique des dunes, il faudrait alors pouvoir influencer suffisamment de grains de sable pour les faire bouger les dunes autrement.

C’est un phénomène de ce type que j’évoquais en Mars 2007 à propose de la Webmergence : en permettant à de nombreux individus d’interagir et de construire une vision commune, il est possible de créer des tendances nouvelles : émergentes.
Avant que le site Amazon ne fasse interagir ses clients, la répartition des oeuvres vendues avait une forme de courbe en demi-cloche, avec quelques « tubes » très diffusés et une majorité d’oeuvres de diffusion anecdotique. Cette forme très sage était sculptée par le marketing et la restriction de l’étendue des possibles liée à la longueur des étagères. Après la création par Amazon de micro-communautés virtuelles de goût (en permettant à l’acheteur d’une oeuvre de connaître les autres préférences de ceux qui l’ont précédemment acquise), la distribution a fondamentalement changé, prenant la forme d’une « longue traine » beaucoup plus sauvage, beaucoup plus naturelle.

Il faut probablement comprendre les promoteurs du 2.0 comme des fous qui veulent changer le monde ; dont la folle ambition est bien d’infléchir la direction des dunes.

C’est une présomption qui peut sembler inconsidérée à une époque où le hasard semble si sauvage et où les murets épars érigés par nos politiques démontrent le simplisme de leur vision. Mais, justement, c’est peut-être cette déception fondamentale des pirouettes toujours plus vaines du politique et l’existence, avec un Internet devenu totalement interactif, d’une nouvelle Agora qui justifient cette nouvelle proposition démocratique : dans le « petit monde » de nos réseaux d’interaction (savez vous qu’il suffit en moyenne de 6 intermédiaires pour connecter deux individus quelconques dans le monde ?), nous pouvons découvrir ceux qui nous ressemblent en action et interagir avec eux pour éclairer nos choix futurs.

Que pleuvent les critiques !

Elles seront souvent justifiées, exhibant par exemple le fait que la Webmergence est un processus qui n’aura probablement jamais de pilote car même si on peut faire bouger la dune autrement, bien fol est celui qui prétendrait connaître à l’avance la direction future qui « émergera » des nouvelles interactions élémentaires (mais justement, c’est bien à la notion de « grand pilote » qu’il faut tordre le cou).

Elles seront toujours insuffisantes pour empêcher de tenter crânement leur chance à ceux qui pensent qu’ils ont les moyens de redonner une « soif d’idéal » à des… « foules en interaction digitale ».

Jésus annonçait le Royaume…

Friday, December 26th, 2008

« Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Église qui est venue. » a écrit Alfred Loisy, prédisant que le destin de la plupart des grandes espérances est d’être transformées en enfermement dogmatique : la promesse initiale perdure, mais détournée au profit d’un corps constitué qui la projette dans un univers futur et, conditionnant sa réalisation à une obéissance stricte aux règles qu’il institue, l’utilise pour régner dans le monde réel.

Parfaitement en phase avec l’actualité dans le domaine des systèmes d’information de santé, cette phrase constituera le coeur de mes prédictions pour 2009.

Il est aujourd’hui incontestable que le Dossier Médical Personnel est une victime supplémentaire de cette malédiction. L’espoir initial n’était rien moins que celui d’une nouvelle donne en santé grâce à l’ouverture d’un univers élargi à la fois dans le temps et l’espace par la mise en avant de la continuité des soins et la pleine intégration du patient au sein de son équipe de santé. Il a été durablement détournée au profit d’une caste technocrato-politique dont l’existence est désormais conditionnée par la prolongation jamais réalisée de cette espérance.

Que le nouveau patron du DMP, Jean-Yves Robin, ait parlé d’instaurer un « ordre nouveau » n’est pas anecdotique ; si on lui fait grâce de la maladresse qu’il y avait à utiliser une expression historiquement connotée, il reste l’annonce d’une phase où la norme doit primer l’invention – où l’Église va établir la Règle.
Il n’est pas anodin non plus que les annonces récentes du Conseil National de l’Ordre des Médecins partent de l’analyse que « l’échec de la conception du dossier médical personnel (DMP) est probablement dû à une construction intellectuellement très intéressante mais extrêmement complexe » et qu’il faut désormais se concentrer sur des solutions « pragmatiques et simples ». Le Royaume promis puis perdu par la maladresse des technocrates qui s’étaient réservé l’exclusive de sa découverte est désormais habillé des oripeaux de l’espérance exagérée. Il serait devenu pragmatique de cesser de rêver et de s’attacher à des tâches banales.

Cette castration annoncée de l’inventivité est particulièrement choquante dans un univers des nouvelles technologies où, en paraphrasant Jules Vernes, « rien ne s’est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée ». Le grand malheur du domaine de la santé c’est qu’aujourd’hui ces « solutions pragmatiques et simples » conviennent idéalement à l’ensemble des acteurs :

  • Les médecins, qui sont d’autant moins enclins à se projeter dans l’avenir qu’ils sont toujours plus absorbés par le fardeau quotidien, et restent encore mal à l’aise avec le « patient empowerment ». Enfermés dans une boite qu’ils voient rétrécir, ils ne songent pas à s’en échapper mais rêvent avant tout de solutions professionnelles où leurs habitudes personnelles deviendraient la norme (« mon dossier mis en ligne »).
  • Les technocrates, peu à l’aise avec l’innovation, mais en majesté lorsqu’il s’agit d’utiliser des normes pour piloter des réunions de maitrise d’œuvre, de maitrise d’ouvrage, d’urbanisation de systèmes d’informations et tous autres concepts de « puzzle makers ».
  • Les industriels du domaine, qui pensent qu’il est enfin temps de vendre à grande échelle ce qu’ils ont mis au point au sein des hôpitaux ou de l’environnement « banque – assurance ».

Que va-t-on voir en 2009 ?

Avec un contexte aussi défavorable, mes 5 prédictions 2009 ne sont pas roses. Pour les résumer laconiquement, le déficit de matière grise nous condamnera à broyer du noir.
Dans le domaine des systèmes d’information 2009 sera marqué par la multiplication des systèmes KISS (Keep It Simple and Stupid) et l’uniformisation normative. Dans le domaine concret, l’augmentation de la charge de travail des professionnels ira de pair avec une perte de repères massive. De façon globale nous verrons se renforcer le cercle vicieux qui veut que le poids toujours plus lourd du quotidien dans cette enceinte confinée laisse de moins en moins de place à l’innovation qui permettrait de sortir de la boite.

KISS me, I am famous

À l’exemple du Dossier Pharmaceutique (DP), 2009 verra la multiplication des initiatives d’« excellence à courte vue ». Il sera investi des millions d’euros dans la gestion à grande échelle de sujets limités, comme l’interaction médicamenteuse.

La phase d’expérimentation du DP est considérée comme un succès par la volumétrie d’informations échangées. Il va donc être étendu à l’ensemble du territoire sans qu’aucune étude d’efficacité métier n’ait été menée. L’informatique semble rester un domaine « magique » en santé puisqu’il suffit qu’une solution soit fonctionnelle pour être considérée comme utile !
Et pourtant. Pourtant, si on analyse les ressorts de l’interaction médicamenteuse, on peut s’inquiéter de l’existence d’un tel outil.

Tout d’abord, c’est enfoncer des portes ouvertes que d’affirmer que tout médicament est potentiellement dangereux… raison pour laquelle sa dispensation fait intervenir un médecin et un pharmacien. Prescrire et délivrer, c’est donc analyser les possibles effets néfastes, et estimer que le risque du traitement est inférieur à celui du placebo ou de l’inaction.

Se concentrer sur l’interaction, c’est donc ne prendre en compte qu’une petite partie de ce risque en choisissant de travailler sur le sous-domaine facilement informatisable où on ne considère que la combinaison de médicaments sans faire intervenir la physiologie du patient (on pourra m’objecter que le patient intervient au travers de ses allergies connues et déclarées, mais il est alors réifié au rang d’un médicament comme les autres – qui cohabite mal avec certains).

Rien n’empêche, par ailleurs, d’associer dans une même prescription des produits qui possèdent une interaction signalée ; c’est même très fréquent. Idéalement, cette prescription devrait être systématiquement accompagnée de la mise en place des procédures adaptées de gestion du risque. Ce qui signifie que tous les acteurs concernés doivent être conscients du niveau de risque et des actions qui permettent de le maintenir à un niveau acceptable au cours du temps et de discerner précocement les éventuels problèmes.

Continuité des soins, équipe de santé, prise en charge partagée du risque… on est aux antipodes d’un produit limité à la seule vision du pharmacien et généraliser le DP, c’est tourner le dos aux solutions véritables des problèmes qu’on prétend résoudre.

Évidence supplémentaire, de très nombreux accidents « iatrogènes » sont dûs aux anticoagulants, et ne sont pas imputables à un phénomène d’interaction mais bien à des défauts de la chaine de gestion du risque au sein d’équipes de santé trop virtuelles pour être efficaces. Lorsque chacun des acteurs aura son volet spécialisé au sein de la panoplie d’outils qui vont malheureusement naitre dans les mois qui viennent, ce problème fera que s’accentuer.

La Norme

La multiplication des projets ciblés (« de spécialité ») et régionaux est en parfaite contradiction avec le dessein initial du DMP, qui se voulait global et national.

Fort heureusement, même les enfants savent transformer un ensemble disparate de points en un dessin harmonieux : on relie les points entre eux de façon à obtenir un motif plausible, puis on colorie le tout. Avec un peu d’imagination et quelques points, on arrive toujours à « dessiner un mouton » !

Chez les artistes du DMP, la magie s’opère en créant l’illusion que les expériences ponctuelles et disparates sont extensibles ; qu’il s’agit de tester des normes qui seront ensuite imposées au reste du domaine.

Malheureusement, les expériences récentes nous démontrent toutes qu’en médecine une expérience ciblée n’est jamais extensible. Il faut se souvenir que l’échec des réseaux de soins a, avant tout, été entériné par la constatation que la multiplication des approches verticales ne permet pas de couvrir le spectre horizontal mais, au contraire, crée des goulets d’étranglement en tout point où ils est attendu des acteurs généralistes qu’ils adoptent un angle de vision spécialisé. En résumé, si l’implantation isolée d’un réseau est souvent un succès ; leur multiplication ultérieure est toujours un échec.

Les magiciens tentent généralement de résoudre cette problématique par deux approches :

  • exhiber le concept de « dossier minimal commun » (DMC). Le DMC est un concept magique au sens propre du terme ; chimère de l’informatique de santé qui évolue toujours naturellement vers le « presque tout » ou le « presque rien ».
  • ne pas faire intervenir d’acteurs généralistes ; après tout, pourquoi ne pas utiliser le réseau pour constituer des filières d’expertise ? C’est tout le principe des systèmes KISS qui vont faire florès en 2009 !

Les systèmes KISS seront donc déguisés pour l’occasion en expériences extensibles. Il sera alors possible de faire de même avec les SIH acquis dans le cadre du plan Hôpital 2012 !

Pour qui s’intéresse aux trajectoires des patients, l’hôpital est modélisable par un échangeur autoroutier à multiples niveaux. Ces niveaux sont faiblement connectés entre eux puisque les différents services traitent des patients de trajectoire distinctes, et ils sont très faiblement connectés au réseau général : le patient arrive comme « vierge » et sera perdu de vue dès qu’il aura franchi le seuil.

En conséquence, les systèmes d’information hospitaliers (SIH) existants sont terriblement obsolètes ; très faiblement fonctionnels, ils se concentrent sur quelques processus métiers verticaux (gestion de l’imagerie avec les PACS, gestion de la pharmacie et de la prescription…). La majeure partie de l’information reste stockée sous forme de documents Word et la vision qu’ils donnent d’un patient est limitée au laps de temps qui sépare son entrée et sa sortie.

Intégrer les hôpitaux aux processus de continuité des soins est donc un défi complexe. Il n’a pas été tenté précédemment et ne le sera pas en 2009. Autant il est complexe de connecter les échangeurs isolés ici et là aux « réseaux routiers » des trajectoires de continuité des soins, autant il est intellectuellement simple d’imaginer que l’ensemble du domaine puisse être modélisé comme un échangeur géant : il suffit, après tout, de considérer la ville comme un service externe !

Planification des réunions du conseil d'administration

Je peux prédire avec un très bon niveau de confiance que c’est le processus qui sera mis en oeuvre en 2009. Tout d’abord parce que les seuls acteurs « industriels » du domaine sont issus du monde hospitalier, qu’ils piaffent d’impatience de généraliser leurs solutions et parlent le même langage que la plupart des décideurs administratifs, également issus de cette filière. L’autre élément fort réside dans le fait que, pour les mêmes raisons, les seules normes du domaine proviennent du secteur hospitalier. HL7, par exemple, est promis à un avenir d’autant plus radieux que, comme je l’ai montré dans un billet précédent, les principaux éditeurs de logiciels de gestion de cabinet se sont déclarés prêts à intégrer toutes les normes souhaitées par la tutelle – en échange d’une labélisation qui leur permettrait de fermer le marché derrière eux.

L’espoir initial du DMP était que la mise en place d’un système d’information collectif allait désenclaver, faire sortir de leur boite, les systèmes locaux. Résumé en terme énergétique, 2009 verra entérinée la victoire de l’inertie sur le mouvement : l’éclatement fonctionnel et régional du DMP renforcera l’orthodoxie du modèle hospitalier.

Ainsi, les milliards d’euros du plan Hôpital 2012 seront consommés à mettre en place des systèmes d’informations autistes qui prétendront faire des hôpitaux le coeur d’un pseudo-DMP loco-local ou loco-régional. Massivement ancré dans un modèle oû le portail hospitalier sera la rêgle, le secteur médical deviendra encore plus difficile à faire évoluer vers les concepts de continuité des soins qui, en 2012, seront probablement devenus une exigence banale des patients.

Partout ailleurs vecteur du progrès, le système d’information sera utilisé en santé à figer une organisation obsolète. Faisant obstacle au changement de paradigme qu’il devrait outiller, ce hiatus du monde virtuel pèsera d’un poids considérable tant en terme de qualité des soins que de coût de la santé ; il faut s’attendre à de cruelles répercussions dans le monde réel, où l’absence de réformes nécessaire s’ajoutera aux effets d’une crise économique de grande ampleur.

Le médecin débordé en première ligne

Les déterminants sociaux de la santé sont assurément les parents pauvres de la recherche médicale.

Même si c’est un résumé un peu lapidaire, on pourrait probablement affirmer que notre civilisation, tournée vers une acception technique de la notion de progrès, a préféré expliquer l’augmentation de la durée de vie par le formidable essor des technologies médicales plutôt que par l’amélioration de l’hygiène et le progrès social.

Des voix convergentes proposent une vision nouvelle. Dans cette veine, le Docteur Jacques Hidier a publié en 2008 sa « Chronique de mortalité » où le dialogue virtuel entre deux médecins situés à 100 ans de distance met en perspective progrès médical et progrès social. Les courbes d’espérance de vie en France publiées par l’Institut National d’Études Démographiques (INED), qui m’ont été signalées par le Docteur Jean-Pierre Mariani, montrent une évolution linéaire bien peu en phase avec l’évolution considérable des techniques de soins.

INED : Courbes d'espérance de vie en France

L’OMS ne craint plus d’affirmer que l’injustice sociale tue à grande échelle, et qu’un gamin de la banlieue de Glasgow peut avoir une espérance de vie réduite de 28 ans par rapport au même enfant né… à 13 kilomètres de là.

Dès avant la crise, la presse a annoncé que, faute de moyens, un pourcentage non négligeable de nos compatriotes avaient dû renoncer à certains soins médicaux. En 2009 le monstre froid de la crise va malmener les âmes et faire souffrir les corps.

Chef de service et chef du pôle de médecine au sein d’un hôpital de banlieue, une amie me disait récemment combien elle a vu le tissu social environnant se dégrader ces dernières années ; l’argent manque désormais pour les besoins de base, et elle voit de plus en plus fréquemment des patients qui peinent à se nourrir.

Perte de repères

En parallèle, sa charge de travail ne fait qu’augmenter, avec un poids administratif toujours plus lourd et une vraie difficulté à retrouver du personnel compétent lorsqu’un membre du service migre vers des cieux plus cléments. À dépenses et revenus constants, son hôpital, qui affichait un bilan légèrement bénéficiaire en 2007, annoncera un déficit de plusieurs millions d’euros en 2008. La tutelle a modifiè les règles comptables et il va probablement falloir réduire des charges de personnel déjà insuffisantes… avec à la clé la perspective d’interminables réunions administratives !

Planification des réunions du conseil d'administration

Déjà harassés et déboussolés par la « créativité » sans cesse renouvelée des directives administratives, les médecins, qui constituent la première ligne de la crise, ont de fortes chances d’être débordés.

Report de l’innovation

Le philosophe Jean-Pierre Dupuy vante les mérites du « catastrophisme éclairé » ; de l’exposition la plus précise possible des causes et des conséquences afin d’outiller ceux qui seront en position de rendre ces prédictions fausses. « Le catastrophisme éclairé est une ruse qui consiste à faire comme si nous étions victimes d’un destin tout en gardant à l’esprit que nous sommes la cause unique de notre malheur. » affirmait-il au magazine l’Expansion.

En prédisant que 2009 sera l’année du renforcement des nombreux cercles vicieux qui faisaient déjà du domaine médical un secteur en difficulté dès avant la crise, j’ai avant tout cherché à exposer les modèles de pensée (mais malheureusement pas de panser) qui étayent ces annonces.

Il serait illusoire d’imaginer que les politiques actionneront rapidement le levier de l’innovation, seul moyen de briser ces enchainements, mais il n’est pas inutile d’analyser les causes de l’impéritie politique qui a en est la cause.

L’histoire du DMP montre jusqu’à la caricature que la politique en médecine est un jeu de dupe entre trois acteurs : le ministère, l’administration et le parlement.

Le ministère change de vision à chaque remaniement ministériel et fixe à l’administration des objectifs synchrones avec le calendrier électoral, par exemple « Un DMP pour chaque Français en janvier 2007 ». Même lorsque ces objectifs sont aberrants, il se trouve toujours un individu à l’ego surdimensionné pour accepter de relever le défi en prenant la tête d’un « machin administratif » (agence, GIP, regroupement d’agences et de GIPs…). Fort de la volonté du ministre et de la confiance de l’administration, l’exécutif demande alors aux députés de voter les lois nécessaires.

Il faut admettre que les députés se sont, ces dernières années, révélés fort enclins à croire les histoires improbables qui leur étaient racontées. Au point même de voter puis de conserver dans la loi des mesures de pénalités en cas de non usage d’un DMP… qui n’existe pas et n’existera probablement jamais !

La petite histoire politique fait que Xavier Bertrand, à qui on doit l’échec du DMP historique, vient de devenir secrétaire général de l’UMP, tandis que Jean-François Coppé, qui ne le porte pas particulièrement dans son coeur est inamovible pendant 5 ans à son poste de président du groupe UMP à l’assemblée et prétend faire du bloc législatif un « soutien critique » de l’exécutif.

Bref… on peut espérer que les députés auront dans le futur une vision autrement plus critique des affirmations de l’administration, y compris des résultats d’audits internes qui, même lorsqu’ils en critiquent les pitoyables résultats, perpétuent le confinement du « jeux à trois ».

Malheureusement, cette potentielle indépendance retrouvée du législatif n’aura pas encore d’influence en 2009. C’est aux États-Unis, de l’administration Obama et de géants comme Google, qu’il faut attendre une réponse politique à la crise. Les solutions testées outre-atlantique déferleront probablement en 2010, laissant, de toute façon, bien peu de latitude à ceux qui seront alors en position de prolonger ou non l’illusion du confinement administratif de l’innovation en santé.

People Powered

Friday, November 7th, 2008

People Powered

Les Clubbers à la Case

Saturday, October 25th, 2008

La Case de Santé est un de ces lieux rares qui diffuse des ondes particulières.

Si l’ami Charles Hambourg et son équipe ont réalisé des travaux considérables, les murs ont probablement conservé la chaleur de l’ancienne boulangerie et la pàte qu’on y travaille est désormais encore plus empreinte d’humanité. Il faut aller pousser la porte du 17 place Arnaud-Bernard à Toulouse pour découvrir un lieu réellement conçu pour prendre soin des êtres humains et réaliser combien il diffère des endroits où on se contente de soigner.

Assez naturellement, les thèmes débattus lors des 13èmes ateliers du CISP Club à la Case ont beaucoup traité de l’accès aux soins pour les plus démunis et des déterminants sociaux de la santé. C’est un domaine très paradoxal, où les études sur de vastes populations démontrent l’importance considérable des facteurs sociaux sur l’espérance de vie sans que l’art médical ne s’en empare aucunement. Bien au contraire, les acteurs qui sont en première ligne peinent à exister.

C’est caricatural à Toulouse, où la Case est en situation précaire et la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) de l’hôpital contrainte, pour défendre son existence, de justifier de l’extrême modestie de son budget !

Je suis persuadé que cette argumentation « low cost » est perverse. La théorie économique nous enseigne qu’un acteur doté d’un budget fixe B et devant choisir ce qu’il consommera au sein d’un panier de services (acheter une quantité Qi du service Si au prix unitaire Pi) a de fortes chance d’arbitrer selon les deux équations suivantes :

Budget équilibré : B = Q1*P1 + Q2*P2 + …. + QnPn

Satisfaction maximale : choix de Q1, Q2… Qn pour maximiser Q1*U(S1) + Q2*U(S2) + … + Qn*U(Sn) où U(Si) représente la fonction d’utilité du service Si pour le décideur.

Le choix d’allouer un budget à un service dépend donc directement de sa fonction d’utilité.
Un service qui apporte peu de satisfaction n’a aucune raison d’être consommé (y compris en petite quantité) même s’il n’est pas cher – le seul espoir est qu’après arbitrage entre les autres services il reste un reliquat, un petit vide que seuls des services pas chers puissent combler.
Au contraire, l’acteur qui accorde une très grande utilité à un service particulièrement onéreux est généralement prêt à s’endetter pour pouvoir en bénéficier (et à accepter que la somme des Qi*Pi soit supérieure à B).

C’est donc avant tout sur la fonction d’utilité qu’il faut travailler ! Évidemment, lorsqu’on a dit ça, on n’est pas beaucoup plus avancé car il reste à déterminer comment augmenter la fonction d’utilité ressentie par l’allocataire du budget (de l’hôpital, de la région…). Et il y a de fortes chances qu’il trouve plus désirable d’écouter le chant des sirènes de la haute technologie valorisante que la complainte des défavorisés.

Pourtant, plusieurs présentations de ces ateliers du CISP Club ont apporté des arguments forts pour promouvoir les déterminants sociaux en santé au rang d’axes majeurs d’optimisation du système. Ce serait peut être un enjeux stratégique pour l’évolution vers un nouveau paradigme en santé que de livrer cette bataille à Toulouse.

Pour finir sur un point plus léger, je voudrais saluer l’une des initiatives remarquables de la Case de santé : la Cantine de la Case.

Tous les derniers samedis du mois, la Case organise un repas à prix libre avec ses usagers. Je me souviens avoir fait un flop magistral sur une liste médicale en émettant l’idée que les médecins devraient aller auditer de temps en temps le réfrigérateur de leurs patients. Je reste persuadé que l’expression « on est ce que l’on mange » est particulièrement vraie en santé. Les Cantines de la Case vont dans ce sens, en y ajoutant le partage et la dimension festive. Evoquer les enjeux de la nutrition y est également l’occasion de faire participer les usagers aux enjeux de la Case… et de passer un bon moment autour d’un repas à thème (en général la gastronomie d’un pays).

Ceux qui pensent qu’un centre de santé communautaire est un endroit nécessairement aride et réservé aux « purs », aux militants et aux nécessiteux – et j’avoue que c’est l’idée que je m’en faisais – prendront un grand plaisir à fréquenter cette cantine là ; d’abord parce que la Case est un lieu qui mérite le détour, et surtout parce que sa chaleureuse équipe sait à merveille faire partager son enthousiasme.

Cerise sur le gâteau, si vous insistez assez, il est possible que Charles sorte son accordéon pour accompagner Aline dans un répertoire de guinguettes ; c’est vraiment un moment exceptionnel dont les membres du CISP Club se souviendront longtemps.

Chauffe Charles

Il est vrai que Manuel les épaulait à la guitare ; mais peut-être qu’en insistant beaucoup il pourrait venir de Bruxelles pour l’occasion… et, après les bords de Marnes, téléporter la Cantine à Cuba le temps de quelques chansons.

Probably not stupid

Thursday, September 25th, 2008

C’est le titre d’une chronique du blog de Seth Godin, un expert du marketing. Il y explique que les gens qui paraissent stupides sont généralement simplement mal informés :

Your difficult boss, customer, prospect, voter, student… probably not stupid, probably just uninformed. There’s a huge difference.

Every person makes decisions based on their worldview and the data at hand. If two people have the same worldview and the same data, they’ll make the same decision, every time (unless they’re stupid.)

So, there are plenty of times where a lack of information leads to a bad decision. Plenty of times where an out of sync worldview leads to an out of sync decision.

When the board of directors embraces a fading old media model instead of embracing a strategy that leads to rapid growth, it’s probably because each of them started with a worldview about the way things worked and were going to work. Add to that little direct experience, and it’s no wonder they decided what they did. You would too if you were given the same resources to begin with.

Changing worldviews is very difficult and requires quite a bit of will. Changing the data at hand is a lot easier, and that’s where marketing can really help. If you, as a marketer, can package data in a way that people with a certain worldview can accept, you move the conversation forward far more quickly than if you merely dismiss the non-customers or the doubters as stupid.

In my experience, a closed-minded worldview (“I can’t read that book, I disagree with it”) is the most difficult hurdle to overcome. But a closed-minded worldview doesn’t mean you’re stupid, it means that you are selling yourself and your colleagues and your community short.

En résumé : les décisions mal avisées proviennent d’une vision limitée du monde, et, en tentant une traduction littérale de la dernière phrase, avoir une vision du monde étriquée ne signifie pas que vous êtes stupide, mais que vous vous vendez au rabais, ainsi que vos collègues et votre communauté.

Sages paroles qui trouvent une illustration immédiate avec un événement récent et savoureux mettant aux prises le Docteur Dominique Dupagne et le Groupement des Entreprises Françaises dans la Lutte contre le Cancer : le GEFLUC.

Le Docteur Dupagne milite contre la mise en oeuvre d’un dépistage de masse du cancer de la prostate.
Rappelons en deux mots que le dépistage de masse du cancer du sein a doublé le nombre de cas traités sans diminuer notablement la mortalité, car de nombreux cas sont peu ou pas évolutifs et n’auraient jamais fait parler d’eux.
On peut prédire une situation identique avec le cancer de la prostate car il est presque normal, à partir d’un certain âge d’avoir des cellules prostatiques cancéreuses qui ne feront généralement pas parler d’elles. Le fait de qualifier de cancer cet état quasi-physiologique et d’appliquer les traitements éradicateurs entraine bien souvent impuissance et/ou incontinence urinaire… avec, bien paradoxalement, les remerciements d’un patient facilement convaincu qu’on lui a sauvé la vie.

Bref, c’est un cas où il faut se garder des « évidences » et où le traditionnel aphorisme « mieux vaut prévenir que guérir » est plus que douteux.

Il faut également se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain et de mettre tous les dépistages dans le même panier : si les dépistages de masse sont généralement à proscrire, les dépistages individualisés, où la « puissance d’investigation » est corrélée à une évaluation éclairée du risque, ont généralement démontré leur utilité (hormis précisément pour la prostate, sauf chez certaines population à forte prédisposition génétique).

Revenons au Docteur Dupagne, qui est également fort éclairé en matière d’utilisation de l’Internet – où il anime Atoute, l’un des sites santé de plus forte audience. Pour donner un écho à sa campagne « Touche pas à ma prostate », il a eu l’idée de financer de ses deniers une publicité Google.

Et il se trouve que, détail amusant, cette publicité s’est trouvée publiée sur le site Internet du GEFLUC.

Le GEFLUC, manifestement atteint sur le sujet d’un closed-minded worldview comme dirait Seth Godin, et en tout cas fort peu au fait du fonctionnement des Google Adds, a répliqué par une lettre recommandée fort menaçante :

Tout le monde sait bien que ces publicités Google ne sont pas affichées de façon prévisibles par l’annonceur… et quand bien même ce serait le cas, on peut se demander pourquoi le GEFLUC a besoin d’afficher des publicités sur son site. D’ailleurs cet événement semble avoir amené le GEFLUC à se poser la question à lui-même puisqu’il affiche désormais un sondage à ce propos :

On peut s’interroger sur le sens du choix « supprimer lettr » (au delà de l’intérêt d’expérimenter la démarche récursive qui consiste à supprimer une lettre à l’expression « supprimer lettre »).
On peut également apprécier le glissement sémantique dans l’appréciation de la publicité qui serait « contraire à la doctrine » dans la lettre recommandée et « contraire à l’éthique » dans le sondage. Est-ce une maladroite tentative pour faire passer pour une doctrine de l’éthique ce qui n’est peut être qu’une éthique de la doctrine ?

Tout ceci prêterait à rire… mais ce serait occulter le fond du débat qui est bien de discuter si la « guerre contre le cancer » doit rester limitée à la force brute technologique, qui est objectivement un échec cuisant, ou si, au contraire, on doit d’urgence promouvoir une démarche beaucoup plus humaniste.

La raison incite à constater que les sommes considérables investies dans la lutte contre le cancer ont un effet très restreint (consulter les statistiques de mortalité par cancer du sein ces 20 dernières années est tout à fait édifiant) et que les démarches de dépistage de masse sont une triste fuite en avant où on semble espérer un miracle en généralisant des méthodes qui ont démontré leur faible efficacité au niveau local.

Dans un article de mars 2006 de la revue La Recherche titré « Cancer du sein: les illusions du dépistage », Michael Retsky, professeur de chirurgie à l’école de médecine de Harvard répondait de la façon suivante à la question "[En stoppant les dépistages de masse] on ne repèrerait plus de tumeurs aussi précocément qu’avant. Ne risquerait-on pas d’avoir des cancers plus difficiles à traiter ?" :
« C’est ce que soutient la logique populaire, en effet. Mais je crains que cela ne soit pas toujours le cas. Même traitées, certaines petites tumeurs provoqueront la mort de la patiente. Et d’autres, plus grosses, guériront facilement. »
« Il faut se méfier des dogmes tels que "mieux vaut traiter tôt un cancer", appuyait Michael Baum, chirurgien au University College de Londres dans le même article. Le cancer est un défi biologique, pas un défi chronologique. Tant que nous réfléchirons en termes de "tôt" et "tard" nous ne ferons pas de progrès en cancérologie. »

Ces évidences n’empêchent malheureusement pas les tenants d’une vision alternative de passer pour des êtres étranges qui refusent le progrès, alors même qu’ils connaissent suffisamment bien les bénéfices de la technologie pour l’utiliser à bon escient et ne pas en attendre plus que raisonnable. A contrario, les annonces fanfaronnes de traitements miracles ou de grands projets des tenants de la vision classique ne sont qu’une série de tristes déceptions… avec leur cortège de patients désespérés s’injectant eux-même des poisons qui n’ont démontré qu’un espoir d’efficacité chez le rat !

Que nous dit Seth Godin à propos de cette divergence de vue ?

The easiest way to grow is to sell to people who share a worldview that endorses your position. The most effective way to grow bigger than that is to inform those that disagree with your position–more data in a palatable form. And, unfortunately, it turns out that the best way to change the world is to open the closed-minded.

L’extension la plus aisée se fait en vendant aux gens qui partagent la même vision du monde que vous. La façon la plus efficace de faire mieux est d’informer ceux qui n’approuvent pas votre position — plus d’information présentée de façon accessible. Et, malheureusement, il s’avère que la meilleure façon de changer le monde est de permettre de s’ouvrir à ceux qui sont étroit d’esprit.

Belle leçon… et qui pourrait élégamment s’appliquer à la controverse entre Dominique Dupagne et le GEFLUC. Le GEFLUC est très certainement constitué de gens intelligents capables de comprendre qu’il est de leur intérêt de comprendre les paradigmes émergents en santé. Et il y aurait grand danger, pour les tenants de ces nouveaux paradigmes à se complaire dans le sentiment confortable, mais sans avenir, que leurs contradicteurs sont stupides.

Episodus en Open source

Wednesday, September 24th, 2008

C’est un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps… je profite, en ce 24 septembre, des bons auspices cumulés de l’anniversaire de mon compère Jean-François Brûlet et de la journée Paris, Capitale du Libre.

Plus sérieusement, ce travail de longue haleine est justifié par la stabilisation de ma situation personnelle, en grande partie grâce au dynamisme du Club Nautilus, qui a été créé par les utilisateurs des modules de comptes rendus d’endoscopie digestive et d’échocardiographie, et par l’avancement des projets internationaux, au Brésil par exemple.

L’open source est indéniablement un moyen de garantir les investissements de ceux qui me font confiance, c’est aussi, et surtout, une façon de mettre « sur la table » les technologies de continuité des soins qui doivent accompagner l’évolution de la médecine.

Il ne faut pas se leurrer, les technologies anciennes, adaptées à une vision ponctuelle du patient, ne ressentiront pas avant longtemps les secousses de la mise à disposition de la communauté des technologies de gestion de la connaissance et de suivi au long cours : les logiciels d’aujourd’hui suffisent à outiller et maintenir des pratiques anciennes… faire naître une démarche plus moderne se heurte au problème de la poule et de l’œuf : comment valoriser des outils qui obligent à « voir autrement » avant que leurs utilisateurs soient en mesure de réaliser qu’ils permettent de « voir mieux ».

J’ai dépensé une énergie considérable à créer des technologies puis à les « apprivoiser » au sein d’un logiciel réellement utilisé par des médecins… il est temps de les banaliser, d’en faire la norme, de faire passer l’informatique médicale du temps de la photographie, du bilan instantané, à l’ère du film, de la vision continue.

Si, dans les mois ou les années qui viennent, il devient courant et naturel de « raconter l’histoire de santé d’un individu » et d’y prendre sa juste place en contribuant à un projet de santé en collaboration avec les autres membres d’une équipe, ce sera signe que cette « annonce du 24 septembre » aura porté ses fruits !

Dans les jours qui viennent, je choisirai une « forge » ou déposer les sources et mettre en place étape par étape les composants de travail collaboratif…

Chris Jordan

Saturday, September 20th, 2008

« L’art transforme-t-il notre conscience du réel ? » C’était le sujet du bac philo 2008 en série S.
S’il y a bien un artiste que les élèves de terminales auraient gagné à connaître pour répondre affirmativement de manière argumentée, c’est incontestablement Chris Jordan.

Précipitez vous sur son site : www.chrisjordan.com et admirez/soyez subjugué par l’exposition Running the Numbers que Chris Jordan présente ainsi :

"Running the Numbers looks at contemporary American culture through the austere lens of statistics. Each image portrays a specific quantity of something: fifteen million sheets of office paper (five minutes of paper use); 106,000 aluminum cans (thirty seconds of can consumption) and so on. My hope is that images representing these quantities might have a different effect than the raw numbers alone, such as we find daily in articles and books. Statistics can feel abstract and anesthetizing, making it difficult to connect with and make meaning of 3.6 million SUV sales in one year, for example, or 2.3 million Americans in prison, or 32,000 breast augmentation surgeries in the U.S. every month.

This project visually examines these vast and bizarre measures of our society, in large intricately detailed prints assembled from thousands of smaller photographs. Employing themes such as the near versus the far, and the one versus the many, I hope to raise some questions about the role of the individual in a society that is increasingly enormous, incomprehensible, and overwhelming."

Cette photographie a été réalisée en arrangeant 213 000 pilules de Vicodin, autant que de consultations annuelles en urgence dues à un surdosage ou un mauvais usage d’anti-douleurs aux États-Unis.

Chris Jordan était avocat d’affaires, se définissant lui-même comme un « corporate dead », un mort-vivant du business, cynique, désengagé et ambitieux. Il a tout abandonné pour se lancer dans la photographie.

Lors d’une interview par Flore Vasseur, relatée dans le magazine Le Monde 2, il explique :

« L’immensité de notre consommation m’apparaît obscène, macabre, bizarrement comique voire ironique. Parfois même profondément belle. Collectivement, nous sommes responsables d’une énorme perte. Individuellement, personne n’a conscience de son ampleur. Personne n’est responsable des effets. En risquant la prise de conscience, il se peut qu’au moins nous nous sentions vivants. »

« La mondialisation, la surconsommation sont des phénomènes très complexes. Nous sommes dépassés par cette complexité. Notre cerveau n’arrive pas à comprendre la valeur des nombres. J’ai le sentiment d’une apocalypse en mouvement. Aujourd’hui, nous ne ressentons pas assez. Anesthésiés, nous taisons notre colère, notre chagrin. Nous sommes convaincus de ne pas compter. Individuellement, nos comportements ont peu d’impact. Collectivement, nous sommes extrêmement destructeurs. L’image peut nous aider à appréhender la monstruosité des chiffres. En rendant les chiffres visuels, je veux faire comprendre ce qu’est la consommation. »

Aparté : ayant un doute sur le genre du nom « interview », je suis arrivé sur le site FrancaisFacile.com où se trouve une liste de mots féminins : « acné, agrafe, alluvion, amnistie, anagramme, apostrophe, atmosphère, échappatoire, écritoire, éliminatoires, éphéméride, épithète, épître, équivoque, icône, idylle, immondices, interview, mandibule, nacre, octave, omoplate, orbite, volte-face ».
Il est assez amusant de constater que « interview » y est pris en sandwich entre « immondices » et « mandibules »… sans commentaire !

Aymaras

Monday, September 15th, 2008

La quatrième dimension, le temps, est la seule qui progresse inexorablement… impossible de « revenir en arrière » sur l’axe temporel. Cette formulation, qui a cours sur l’ensemble de la planète, montre par ailleurs que lorsque les humains doivent se représenter eux-mêmes sur cet axe, ils se « voient » tournés vers l’avenir.
L’être humain progresse vers le futur et laisse son passé derrière lui, comme l’exprimait Pierre Dac dans un sketch d’anthologie sur la divination : « L’avenir de Monsieur est devant lui, et il l’aura dans le dos à chaque fois qu’il fera demi-tour ».

C’est précisément cet aphorisme qui introduit un article du mensuel La Recherche qui démontre qu’un groupe humain, les Aymaras, échappe à cette règle. Ce peuple, dont la langue est parlée dans une partie de la Bolivie, du Pérou et du Chili dans une zone centrée sur le lac Titicaca, a une représentation du temps où, à l’inverse des autres humains, il fait face à son passé.

Après tout, rien d’illogique à s’imaginer avec un regard orienté vers ce qui est connu, comme le passé, en tournant le dos à un avenir qui n’est, de toute façon, pas lisible. Comme l’explique La Recherche :

Ce qui est vu – et donc connu – se trouve devant l’individu et non derrière. Or, le passé est connu, l’avenir non. Les Aymaras n’avancent pas vers des événements qui n’ont pas eu lieu.
[…]
Le fait que les Aymaras fassent toujours « face » à leur passé a des conséquences sur le mode de la vie. Dans leur société, en effet, les ancêtres sont particulièrement respectés. Le passé est une source permanente de connaissances et d’inspirations. Il oriente l’action et les décisions alors que le futur n’est, pour ainsi dire, jamais évoqué. Etant inconnu et incertain, tout ce qui est dit à son sujet relève de la spéculation. De plus, des notions aussi communes que le progrès (un mot issu du latin progressus, qui signifie action d’avancer) n’ont aucun sens pour des Aymaras traditionnels des hauts-plateaux. Dans leur conception du monde en effet, l’on n’avance pas vers des événements qui n’ont pas encore eu lieu. S’il est concevable de changer d’état, cela n’est pas vu comme un déplacement frontal. Les événements ont lieu quand ils ont lieu. Ils sont attendus. Rien d’étonnant donc que les conquistadors aient trouvé que les Aymaras étaient « passifs ». De même, cette conception du temps explique la grande patience dont les Aymaras sont capables. Une patience qui avait surpris A. Miracle et J. Yapita Moya lors de leurs études de terrain. « Les Aymaras peuvent attendre des heures le camion qui les emmènera au marché, et ce, sans rien faire d’autre. »

Comme souvent, exhiber un spécimen qui n’obéit pas aux règles communes permet d’en découvrir de nombreux autres. En lisant l’article, il m’a paru évident que nos politiciens sont des Aymaras. À l’évidence :

  • ils ont un culte des ancêtres que l’on ne retrouve pas chez les autres groupes humains : qu’ils soient Gaullistes, Mitterandistes, Trotskistes, etc, ils inscrivent généralement leurs actions sous l’égide d’un grand ancien : pour paraphraser le texte de La Recherche, « le passé leur est une source permanente de connaissances et d’inspirations. Il oriente leur action et leurs décisions. »
  • ils ont une remarquable passivité sur les événements ; un peu comme le passager d’un train qui est assis dans le sens contraire à la marche, ils semblent perpétuellement gérer les problèmes après qu’ils ont eu lieu et appliquer aux dossiers nouveaux les recettes éculées des paradigmes anciens.
    N’est-ce pas la généralité d’entendre les hommes politiques dire qu’une catastrophe était inattendue alors même qu’elle était annoncée par la plupart des acteurs du domaine ? L’actualité récente fourmille d’exemples. La crise des subprimes, le bourbier Afghan, le désastre du DMP et des stratégies de « guerre contre la maladie cachée dans l’homme », comme le dépistage de masse du cancer du sein, sont autant de sujets où les fondamentaux du terrain convergent inéluctablement vers une crise profonde et où la démarche politiques est que (pour paraphraser à nouveau La Recherche) « les événements ont lieu quand ils ont lieu. Ils sont attendus. »

Farfelue, la théorie selon laquelle nos politiciens seraient des Aymaras ?

Peut-être, mais à mon sens, elle explique assez bien l’histoire récente de notre nouveau président. Le candidat Sarkozy avait séduit en promettant de remettre la France dans le « bon sens » de l’histoire ; en quelque sorte une volte-face qui lui permettrait de faire enfin face à son avenir. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est qu’au sortir de l’abri, et faute d’une véritable vision qui lui aurait permis d’entrainer le pays derrière lui, son gouvernement est désormais condamné à l’agitation stérile de qui tente d’éviter la pluie de projectiles qu’il voit soudain lui arriver en pleine face.

Laissons le dernier mot à Bill Cosby :
The past is a ghost, the future a dream, and all we ever have is now.

Leçon afghanes

Wednesday, August 20th, 2008

La mort de dix militaires français nous frappe d’autant plus que, fort heureusement, c’est encore, pour nous, un événement exceptionnel.

Le blog Secret Défense donne des éclaircissements édifiants sur les circonstances du drame.

  1. Les talibans ont eu l’initiative. La colonne française a été prise par surprise. Les talibans, même s’ils ont perdu des hommes au cours de l’action, avaient décidé où, quand et comment agir. Les Français n’ont pu que réagir. A la guerre, avoir l’initiative est en général plutôt bon signe.
  2. La colonne française a été attaquée dans un col. Elle n’avait, au sens propre, pas la capacité de voir au delà de la colline. Des moyens aériens, drones ou hélicoptères, auraient pu précéder la colonne et reconnaitre les lieux. La France n’a pas de drones en Afghanistan, et elle ne possède que deux très précieux hélicoptères Caracal, qui ont utilisés plus tard pour l’évacuation sanitaire.
  3. A l’approche du col, les paras ont débarqués des VAB qui leur assuraient un minimum de protection. C’est à pied qu’ils sont allés reconnaître les lieux et qu’ils ont été pris sous le feu de l’ennemi. Les habitudes et règlements de l’infanterie (légère) ont été respectés. Faute de moyens aériens, n’était-il pas possible d’envoyer un véhicule blindé reconnaître l’itinéraire ?

Par une étrange et cruelle coïncidence, ces circonstances font écho à de récentes discussions de vacances avec un ami de voile de longue date, qui travaille depuis plusieurs années à la conception de drones au sein d’une grande entreprise française. Il me disait que les Canadiens sont devenus clients de son entreprise car, extrêmement concernés par la vie de leurs soldats, ils refusent d’intervenir militairement sans recueil d’informations préalable.

Le drame récent démontre que la France n’a pas ces scrupules.

Pire, lors d’une intervention à la radio, l’auteur du blog Secret Défense expliquait que les militaires français achètent de leurs deniers une partie de leur matériel – par exemple des duvets pour avoir chaud la nuit ou des chaussures de qualité pour pallier l’obsolescence des traditionnelles Rangers.

Le drame afghan démontre malheureusement que les errances du DMP semblent généralisées au sein de l’administration :

  1. un total manque de vision (qui donc sait ce qu’on va faire dans cette galère ? qui peut encore croire aux arguments infantilisants qui nous sont servis ?)
  2. un manque de moyens qui rend bien pitoyable la fanfaronnade politique (et sa technique récente de story telling)
  3. une stratégie inadaptée aux enjeux modernes (… en retard d’une guerre)
  4. une profond dédain pour les acteurs de terrain (la piétaille).

Est-ce exagéré de comparer un conflit militaire et le monde de la santé ? Y-a-t-il un rapport entre le combat par les armes pour la sécurité et la lutte individuelle pour conserver ou restaurer la « paix des organes » ?
Je le crois, et je suis persuadé que ce sont deux domaines dont les ressorts récents peuvent être compris en utilisant un modèle commun de « société » d’hommes ou de cellules confrontées à des menaces internes ou externes, et des moyens technologiques de recueil d’information et d’action plus ou moins ciblées, plus ou moins pertinentes.

Le bilan terrifiant, c’est que la France démontre dans les deux domaines qu’elle est plus proche de l’ex-URSS que d’un pays moderne…

on AIR tour 2008

Wednesday, April 2nd, 2008

Today, I really enjoyed attending to the French conference of Adobe’s “on AIR tour” spring 2008 Europe.

Presentations’ quality was really good and the guys from Adobe were truly committed to making themselves available for having the audience chat with them during pauses. I just might criticize a little overlap – some concepts have been addressed in several presentations – but education is about repetition, so there is nothing wrong here.

Some buzz, of course, but not too much… I could just joke a little bit about “these Evangelists talking a lot about Leveraging technologies for a great (user) Experience”.
Strange enough, I must confess that I would have hard time translating those 3 words in French: Evangelist (I mean the one preaching for technology), Leveraging (currently this term seems to have a very comprehensive scope) and User Experience (or just Experience). No need to say that it is an evidence of France being somewhat left behind current web trends!

It is rather easy to explain what AIR is about; let’s imagine you are a web developer, used to using Flex or Javascript, then AIR will allow you to seamlessly (ok, another buzzword – but it seems accurate here) transform/extand your in-browser program into a genuine desktop application. Moreover, this app will natively run in a Mac, Windows or Linux environment. Two important things to notice:
1) an AIR application can really use usual OSs services, like files management, menus, windows control, etc
2) Since an AIR application potentially remains a web app, while gaining unlimited access (within user’s rights, of course) to desktop resources, it could become the favorite target of web pirates. This is the reason why the default design of such application cleanly separates two sandboxes (the web part and the desktop part). Of course, it is possible to establish a communication between both sandboxes, but it requires some additional – on purpose – work.

As an experienced C++ developer, I cannot say that programming in Javascript is something I am usually looking forward to. Trying to have the same code behave in the same way inside various browsers is something I have always considered as a fuzzy process! However, having the very same user interface available as a true desktop application and as a light client application is really becoming something users are now asking for.

Of course, it would not be wise to write complex application logic with Javascript, but after all, keeping C++ as the prefered language for this tier and switching to Javascript for user interface is a good way to ascertain than both layers are neatly separated.

My current application already uses a Java tier for persistence. In this case, the Java Native Interface between C++ and Java is the place where data processing and data storage are neatly separated. Isolating C++ business processes as services for the Javascript user interface could become a similar process – even for the desktop application.

No need to say that performances could suffer from such architecture, but Adobe provides a nice component to address this issue: Life Cycle Data Services (DS), and its open source subpart Blaze DS.

I must confess that I have been lurking into Firefox XUL environment for some years, while not being able to make the decision to use it, for two reasons:
- first XUL is fully embedded inside Firefox, and as such limited as a true desktop application;
- then I once heard Firefox evangelists explicitly assert that they are fully dedicated to the browser; and I have always guessed that they only consider external XUL apps as byproducts. In my opinion, it explains the reason why doing rather simple things, like changing chromes, always appeared to me as a rather tricky process during the demos I attended to, because the XUL app must always be careful not to interfere with/put the mess in user’s Firefox settings.

AIR appears as a far more efficient concept because AIR apps are plain vanilla desktop apps (a true .exe in Windows). It also compares favorably against Java, whose JVM can sometimes be a true limitation (not speaking of the deployment nightmare when multiple versions of the JVM are installed in the same computer – and it is, unfortunately, the usual case!).

Time will tell if, as a chronically overworked character, I will manage to invest the needed time (even if limited) to adopt AIR…
However, I am pretty much confident in the fact that AIR and Blaze DS will give birth to a brand new type of applications… Evangelists will tell you that developers now have the proper tools to leverage every facet in favor of a great user experience ;-)

Valuable resources:
adobe.com/devnet/air

The indescribable process of invention

Friday, March 21st, 2008

Once again, Wiley Miller has everything right.

Très frais…

Friday, March 21st, 2008

Ceux qui, comme moi, apprécient la Normandie au point d’aller jusqu’à y passer des vacances trouveront probablement excellent, et plein de fraicheur, le site heula.fr

Je vous recommande tout particulièrement les cartes postales, dont celle ci-dessous est un exemple très illustratif (il vous suffit de cliquer dessus pour voir toutes les autres).

Fenêtre sur Care

Saturday, January 12th, 2008

Ou échos des rubriques santé-social de ma page Tech Trends.

Le coût de la longévité

On suppose souvent que l’espérance de vie est corrélée au niveau de dépenses médicales ; le graphisme ci-dessous démonte assez bien que ce n’est pas si évident.

Clin d’œil amusant, les Etats-Unis et Cuba y sont, comme en politique, à la fois aussi proches et éloignés qu’il est possible de l’être !
J’ai trouvé ce document sur le blog de mon ami Denny, mais j’étais chagriné de n’y trouver aucune référence d’origine ou de méthodologie… ni même la moindre date. Une petite enquête m’a permis d’en retrouver la source sur le site de ucatlas.ucsc.edu.
Ce document, également interpellé par le hiatus USA-Cuba, précise que la déconnection entre espérance de vie et dépense de santé s’explique principalement par le fait qu’il s’agit d’une espérance de vie moyenne et d’une dépense par personne, et que chacune masque grandement les inégalités.
D’autre part, y lit-on, assurer de l’eau potable et une surveillance médicale de base ne coûte pas cher et a une répercussion favorable sur l’espérance de vie ; dans cette optique, que Cuba aie le plus haut ratio mondial de médecins par personne tandis que 40 millions d’Etasuniens n’ont pas d’assurance médicale explique bien l’aspect de la courbe. Bien entendu, on pourrait arguer du fait que la véritable explication réside dans le fait que boire du Rhum et fumer des cigares sont bon pour la santé !

Les dents du Kentucky

Pour qui veut appréhender combien les Etats-Unis sont une terre de contrastes, il faut lire un récent article du New York Times, titre In Kentucky’s Teeth, Toll of Poverty and Neglect pour découvrir combien l’accès aux soins de base est restreint au sein de vastes couches de la population. On y découvre également de nouveaux éléments de couplage entre santé et déterminants sociaux avec une phrase tristement lapidaire : « essayez donc de trouver du travail quand vous avez la trentaine ou la quarantaine et qu’il vous manque des dents de devant » !

Etre sur la même longueur d’onde que son médecin

C’est ce que propose un autre article du New York Times. Compte tenu de la courte durée d’une consultation, il convient d’être efficace lors de la rencontre avec son médecin. Et si, depuis Weed, les médecins structurent la consultation avec l’acronyme SOAP pour Subjectif, Objectif, Assessment, Plan, les patients répondent avec le DATE :

  • D pour Diagnosis : penser à bien noter les termes médicaux
  • A pour Additional tests : quels sont les examens complémentaires recommandés par le médecin
  • T pour Treatment plan : y a-t-il de nouveaux médicaments prescrits, ou de nouveaux dosages ? Des actes chirurgicaux ? Des exercices physiques ou des régimes ?
  • E pour Further Evaluations ou Evaluations : quand revenir pour un suivi ? quels sont les signes et symptômes à surveiller et quand prévenir le médecin en cas d’évolution ou de manque d’évolution.

Et si les résultats de Google étaient mauvais pour la santé ?

Après avoir pris des notes au format DATE, le patient retourne chez lui et fonce sur Google pour vérifier la qualité de son médecin ;-)
WebProNews nous apprend que, la société de l’information ayant cédé la place à une société de la recommandation, il n’y trouvera pas, en tout cas au sein des premières pages, les textes officiels des organismes d’état ou des laboratoires pharmaceutiques, mais les écrits des groupes de pression.
Est-ce un bien, est-ce un mal ? Vos nouveaux amis vous veulent-ils plus de bien que ceux qui gouvernent ou vendent ?
Le conseil du médecin sera probablement qu’il vaut mieux éteindre l’ordinateur et prendre sagement ses gouttes avant de devoir, en plus, vérifier sur Google si elles ne contre-indiquent pas un cachet d’aspirine.

Vieillir et rester jaune

Bouclons la boucle avec la longévité, dont nous avons vu qu’elle peut coûter si cher.
Que se passe-t-il lorsqu’une société détient 3 records : celui du plus fort pourcentage de citoyens de plus de 65 ans, du plus faible pourcentage d’enfants de moins de 15 ans, et de la plus forte aversion pour une solution qui inclurait le mot « immigration » ?
Le Washigton Post répond avec un article qui fait froid dans le dos : le Japon fabrique des robots.

Anecdotal

Friday, September 7th, 2007

Happy are those who dream dreams and are ready to pay the price to make them come true. Leon J. Suenes

When I opened my “Tech Trends” pages, more than 6 months ago, I separated it into two chapters: “From the US” and “From Europe”. Since “From Europe” remained empty so far, I just decided to close it.

Of course, it is rather anecdotal, and maybe it comes from a bias in my information network. It is true, also that my interest is limited to information systems (IS), health care and IS for health. Anyway, it has been a way for me to materialize the gap between the North American innovation spirit and the steady state of our old Europe.

I was recently challenged on a mailing list by a representative of IS for health big companies; he asked me “what would you advise the Health Minister to do now that the technocrats in charge of the Personal Health Record project have failed to deliver anything?”.

I answered that the rationale was pretty much easy to state:
- A Personal Health Record shouldn’t be considered as the extension of an administrative information system. It is eventually a communication system on the Web.
- The success of anything on the web is based on providing services to fulfill consumers’ needs
- Technocrats are not the right persons for this
- Big brick and mortar companies are seldom the originator of the best services on the web

Accordingly I answered that I would fire the technocratic team in charge and use available funds to provide a fertile soil for startups.

This guy answered complaisantly that my answer, while worth reading, was somewhat far from the “reality principle”.

Unfortunately, he is right: due to the “reality principle”, these guys will keep on doing what their fathers and grand fathers have done before: make expensive deals between the government and big companies. Nowadays it is actually a way to confess that they have no idea about how they can address people needs. But it is anecdotal ;-)

Webmergence

Sunday, March 18th, 2007

Robert Laughlin won the 1998 Nobel Prize in physics. Hence when this major player in the scientific community published a book entitled A Different Universe: Reinventing Physics from the Bottom Down in 2005, it was immediately a big thing. In this book, Robert Laughlin argues that the most fundamental laws of nature are “emergent”: it means that they result from the global behavior of large agglomerations of matter, without to owe anything to the laws that apply to any individual component. For example, the laws that control the behavior of a sand hill are not predictable from any materials science principle applied to a lone sand grain. In the same way, the behavior of an avalanche – where the surface snow flows as if it was a liquid above the lower snow layer – cannot be understood through the modeling of individual snow grains; this behavior “emerges” from complex interactions between the moving layer and the support layer.

When I heard about Robert Laughlin’s emergence theory, I immediately remembered that in 2001, when making the first demonstrations of the Ligne de vie, I was used to saying that while putting at work public information systems in the medical domain, we would have to take into account that such a wide scale network would eventually reach the complexity level where “the whole is more than the sum of its parts”. And the example that I usually gave was precisely the sand hill.
This “Proust madeleine cake”, added to the consciousness that, from this time on, the web has constantly been evolving toward more and more interaction between its members (a thread that is even reinforced by the web 2.0 wave), immediately made me ask myself if it would be consistent to apply the emergence theory to the laws that rule the mass-behavior on the Internet.

I guess that it is probably true, and, what is more, it is possible to give an example that is really characteristic of this uncoupling between a mass law and the behavior of individuals: the “Long Tail” phenomenon.

The phrase The Long Tail was first coined by Chris Anderson in an October 2004 Wired Magazine article. It describes the aspect of sales graphs observed when selling goods on the Internet. Instead of the usual half-bell curve that we can observe for traditional stores, because best sellers account for a massive part in it, this graph exhibits a very wide distribution, where seldom sold products represents a larger surface than success stories. As it was described by an Amazon employee, “We sold more books today that didn’t sell at all yesterday than we sold today of all the books that did sell yesterday.”
It could be sensible to explain the Long Tail by the simple evidence that traditional stores’ shelves have a fixed length and storekeepers must give the priority to fast selling products. On the contrary, “e-shelves” have a virtually unlimited size. But shelves length is not enough, because anyway best sellers are always on the first pages of any web site while unknown titles are relegated in the back-store.

The real explanation of the Long Tail must be found in internauts interaction. In order to lead to a compulsory additional buying, when you want to buy something on Amazon and many other web sites, you are displayed with the products that were also selected by other internauts that already bought the same thing. It is highly efficient because if I like a book and I am warmly advised to read another, totally unknown, book by those who also liked the former one, then I will probably be teased enough to buy it, even if I have never heard of it before.

Amazon didn’t create this “other readers advices” functionality in order to build a Long Tail Effect, they just wanted to have their web site become more user friendly and create compulsory purchases. In the same way, Internauts didn’t really look for unknown works (who can already read all the best sellers? which works, besides, have been tailored in order to please the mass). The Long Tail “emerged” from the multiplicity of interactions among the web community. It is a typical example of what we could call “webmergence”.

Of course, a theory can never be built from a single example (or even 1000 examples), but there is undoubtedly something to be dug there, and we can already foresee the possible consequences of webmergence.

Webmergence stipulates that the laws that will rule mass behaviors on the Internet can be guessed neither from individual behavior nor from technical tricks. On the contrary, when a mechanism will instigate the interaction of a sufficient number of people, we can expect to see unexpected meta-behavior emerge: the laws of Internet’s physics.

In the medical domain, for example, we can deduce from this that it is actually useless to build from scratch a huge information system in order to avoid iatrogenic injuries or medical acts redundancy. On the contrary, what should be done is to ease the creation of a bunch of systems that both can be widely distributed and allow a sufficient interaction between their users; then help those whose emerged global behaviors are in the expected direction.

Robert Laughlin’s theory declares as obsolete the constructivist approach inherited from the industrial revolution. Webmergence could set the limits of a similar utopia in the far more modern world of information systems.

webmergence

Sunday, March 11th, 2007

Robert Laughlin a obtenu le Prix Nobel de physique en 1998. C’est donc un des acteurs majeurs de la communauté scientifique et, lorsqu’il a écrit, en 2005, « Un Univers différent », ce livre n’est donc pas passé inaperçu et a même lancé un débat fondamental. Robert Laughlin y soutient que toutes les lois de la nature sont « émergentes », c’est-à-dire qu’elles résultent d’un comportement d’ensemble, sans presque rien devoir à celles qui régissent chaque composant individuel. Par exemple, les lois qui régissent le comportement d’une dune de sable ne sont pas prédictibles à partir des règles de la mécanique appliquées à un grain de sable isolé, mais émergent des interactions entre un très grand nombre de grains. De la même façon, les lois qui régissent une avalanche – où la neige de surface « coule » comme si elle était liquide au dessus de la strate neigeuse sous-jacente – n’est pas compréhensible si on modélise isolément chaque grain ; ce comportement « émerge » d’interactions complexes entre la couche mobile et la couche de support.

En prenant connaissance de la théorie de Rober Laughlin, je me suis souvenu qu’en 2001, lors des premières présentations de la Ligne de vie, j’avais coutume d’expliquer qu’en mettant en œuvre des systèmes d’information collectifs en santé, il faudrait tenir compte du fait qu’un réseau de cette échelle atteindrait immanquablement un niveau de complexité où « le tout est plus que la somme des parties » et l’exemple que je donnais alors était précisément celui de la dune de sable.
Cette « madeleine de Proust », couplée à la conscience que, depuis cette époque, le web a sans cesse évolué vers une plus grande interaction entre internautes (tendance qui ne fait que s’accentuer depuis la vague Web 2.0), m’a immédiatement fait me demander s’il n’était pas pertinent d’appliquer la théorie de l’émergence aux lois qui régissent les macro-comportements sur l’Internet.

A la réflexion, c’est très probablement le cas, et il existe même un exemple qui me semble typique de ce découplage entre une loi de masse et un comportement individuel : le phénomène de la « longue traîne ».

Popularisé par Chris Anderson dans un article de 2004 de Wired Magazine, sous le nom de « Long Tail », ce concept décrit la forme que prend la courbe des ventes de produits sur l’Internet. Au lieu de la courbe en demi-cloche du commerce traditionnel, où les « produits leaders » représentent l’essentiel des ventes, cette courbe montre une distribution très large, où le volume de l’ensemble des produits rarement vendus est aussi conséquent que celui des produits à succès. Comme l’a résumé un employé d’Amazon : « Aujourd’hui, on vend plus de livre qui ne se vendaient pas du tout hier qu’on ne vend de livres qui se vendaient hier ».
Mécaniquement, la Longue traîne pourrait s’expliquer par le fait que les étagères du monde réel ont une taille fixe, ce qui oblige les commerçant à ne s’approvisionner qu’en produits à rotation rapide, alors que les « e-étagères » ont une taille virtuellement sans limite. Mais c’est loin d’être suffisant car les « best sellers » sont toujours en page d’accueil du site, reléguant les titres peu connus dans l’arrière-boutique.
La véritable explication de la Longue traîne, réside dans l’interaction entre internautes ; car – pour déclencher une impulsion d’achat supplémentaire, les sites comme Amazon vous signalent à chaque achat quels autres produits ont été achetés par les internautes qui ont aimé celui que vous achetez. C’est un mécanisme redoutablement efficace car si j’aime un livre, et que ceux qui l’ont également aimé me recommandent chaudement un autre livre, même parfaitement inconnu, je serais peut être suffisamment intrigué par cette « perle rare » pour passer à l’acte.
Amazon n’a pas créé cette fonctionnalité de « conseil des autres lecteurs » pour créer un effet de Longue traîne, ils cherchaient simplement à rendre leur site plus humain et à susciter des achats d’impulsion. De la même façon, les internautes n’étaient pas spécialement en quête d’ouvrages inconnus (qui a déjà le temps de lire tous les best-sellers ? – ouvrages qui, par ailleurs sont parfaitement conçus pour plaire au plus grand nombre). La Longue traîne a « émergé » de la multiplicité d’interactions au sein de la communauté du web. C’est un cas typique de ce qu’on pourrait appeler la « webMergence ».

Evidemment, on ne bâti pas une théorie à partir d’un exemple (ou même de 1000 exemples), mais il y a indéniablement quelque chose à creuser, et on peut déjà s’intéresser aux conséquences prévisibles de la webmergence.

La webmergence stipule donc que les lois qui régiront les comportements globaux sur Internet ne sont déductibles ni du comportement individuel ni de la mécanique mise en place, mais qu’au contraire lorsqu’un mécanisme mettra en interaction un nombre suffisant d’individus, on pourra s’attendre à voir émerger des meta_comportements imprévisibles : les futures lois de la physique de l’Internet.

On peut donc en déduire, par exemple, dans le domaine médical, qu’il est vain de tenter de créer ex-nihilo un système qui réduise la iatrogénie ou la redondance d’examen. Au contraire, il faut stimuler la création de systèmes qui puissent à la fois être largement diffusés et créer des interactions entre utilisateurs, et subventionner ceux qui font émerger les comportements globaux les plus favorables.

La théorie de Robert Laughlin rend caduque l’approche réductioniste introduite par Descartes. La webmergence pourrait bien sonner le glas de l’utopie mécaniste dans le monde bien plus récent des systèmes d’information.

Understanding web 2.0

Sunday, March 4th, 2007

Yes, you can understand what web 2.0 is about… and it can take just 5 minutes :



Many thanks to Xavier Quilliet for pointing out this video on his blog.

15 Years of Non Sequitur!

Saturday, February 17th, 2007

Non Sequitur is definitely great !

On February 16, Wiley Miller celebrated 15 years of creating Non Sequitur.

Since I am a great fan of Danae, I prepared two “short stories” that I am delighted to share with you. Just click on it, and you will know what happens next.

Danae’s Ad Agency:

Danae and the Golden Parachute:

If you want to know more about this guy, you can go to Universal Press Syndicate’s Q&A.

French kiss

Friday, February 16th, 2007

Lisez les discours de notre Ministre de la Santé, Xavier Bertrand, à propos du Dossier Médical Personnel (DMP), et vous serez certainement frappé par le mot qui revient le plus souvent : « simplicité ».

Référez-vous alors aux
discours de Georges Bush et vous verrez que la mise en œuvre d’un Electronic Health Record figure, pour la Maison Blanche, dans la catégorie « A new generation of american innovation ».

La différence est d’importance !

Pourquoi ce qui est simple chez nous est-il objet d’une nouvelle génération d’innovation outre-atlantique ? Sommes nous si en avance en terme de systèmes d’information de santé ?

En réalité, qui suit l’actualité des systèmes d’informations hospitaliers sait que ce sont justement des entreprises américaines qui rachètent actuellement les anciens fleurons hexagonaux du domaine. Cerner, Mac Kesson et GE ont de l’appétit, et en Europe, les seules entreprises ambitieuses sont allemandes (Agfa et Siemens).

Dans le domaine des services en ligne « de grande consommation », catégorie dans laquelle évoluera le DMP, on peut affirmer que la France est inexistante. Les Amazon, eBay et autres services en lignes sont tous américains.

Alors d’où viendrait la capacité de la France à faire si simplement quelque chose d’aussi complexe qu’un système grand public de continuité des soins ? Probablement du fait qu’elle s’apprête en réalité à réaliser, sous forme de service public, un ersatz de service tout court. Et la consigne ministérielle ressemble fort au caricatural Keep It Simple and Stupid (KISS).

La conséquence de ce nivellement par le bas est assez considérable, même si elle n’est pas très visible à court terme. Alors qu’aux Etats-Unis un système vertueux mêlant incitations gouvernementales et capital risque encourage l’innovation et le dépassement de soi, la France impose un système totalement contrôlé par l’Etat et fait l’aumône de quelque enveloppe à des projets qui sont à la fois déjà largement subventionnés et suffisamment « low tech » pour alimenter à court terme un DMP qui ne sera probablement jamais fonctionnel.

A mon sens, la seule issue possible serait que le gouvernement ait le courage de faire un constat d’échec, crée un biotope favorable à l’innovation et serve de tuteur aux projets les plus prometteurs. Faute de quoi, la technique du French KISS risque de nous cantonner à une forme de sous-développement dans le domaine des services en ligne.

Parfois

Thursday, January 11th, 2007

Parfois une émotion passe
discrète comme un rideau qu’on écarte.
Elle salue au passage le sang nomade
et laisse à la bouche
une infinie question.

Merci à Ernest Pépin d’écrire de si simples et belles choses… et à la RATP d’afficher des poèmes dans le métro.


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