Archive for the ‘Public health information systems’ Category

Rendre possible

Tuesday, January 2nd, 2007

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ».

L’actualité donne à cette belle phrase de Saint-Exupéry un sens très concret, et met en évidence l’un des plus gros défauts actuels de la France : une capacité de prévoir l’avenir tellement fine qu’elle ne permet de le rendre possible… que pour les autres.

L’Irak est un très bon exemple de cette vision claire de l’avenir qui entrave la création. La diplomatie Française avait compris avant et mieux que toutes les autres les effets pervers de la guerre. Elle n’a pas su transformer cette vision en une capacité à rendre possible un autre avenir et, bien au contraire, s’est trouvée isolée dans une posture supposée arrogante et supérieure. La France n’avait pas la puissance nécessaire pour rendre un autre avenir possible, ses prévisions étaient inutiles.

En matière de systèmes d’information collectifs de santé, le Dossier Médical Personnel (DMP) existera certainement un jour. Fidèle à l’annonce de son prédécesseur, l’actuel Ministre de la santé, Xavier Bertrand, continue contre toute raison à prétendre que chaque Français pourrait en posséder un dès 2007, soit plusieurs années avant les autres pays industrialisés, dont la plupart ont démarré un chantier identique plus tôt, et avec des investissements supérieurs.
La hâte excessive avec laquelle a été instruit ce dossier est parfaitement résumée dans un rapport du 11 décembre 2006 à la commission consultative des marchés des organismes de sécurité sociale (CCMOSS) (voir ma page sur le DMP).

Vouloir à tout prix forcer le cours des événements est la meilleure façon d’empêcher toute mise en œuvre concrète et effective conclut en substance le rapporteur.

« Il faut imposer les normes existantes et compter que la généralisation des échanges d’informations s’étalera sur 10 ans » disent les industriels. C’est à la fois un peu court et franchement long.

Un peu court en ce qui concerne les supposées normes, puisqu’elles sont dans leur prime enfance et n’ont jamais été élaborées pour cet objectif. Franchement long en ce qui concerne les délais, car la plupart des gens qui ont réellement besoin d’un DMP n’ont pas les moyens d’attendre cette échéance (tandis que la grande majorité de ceux qui n’en ont pas besoin peuvent attendre une ou deux génération avant de souhaiter se doter d’une telle coquetterie pour le seul plaisir de « faire moderne »).

En réalité, l’ensemble du projet est mal conçu car ses promoteurs sont obnubilés par la construction d’un « dossier » alors que les acteurs de terrain (patients et professionnels) ont besoin de services.

Qu’un accord entre la Ligne de vie et Google soit finalisé, et la grande majorité des gens pour qui la continuité des soins est importante pourront utiliser les services nécessaires dans moins de trois ans. Le temps est un facteur clé pour les gazelles de la net économie ; pour elles 10 ans représente une éternité et – en comparaison – les sociétés de services classiques font l’effet d’éléphants. Mais on peinerait à trouver une seule société comme Google, e-Bay ou Yahoo dans les consortiums qui répondent aux appels d’offre du gouvernement puisqu’il ne s’agit pas de mettre en œuvre des services mais de construire un gigantesque système de gestion documentaire.

Il faudrait donc nourrir les éléphants pendant 10 ans… et comme la transformation d’une entreprise dont le métier est de répondre à des appels d’offres en une société qui propose ses services au client final est presque impossible, l’espoir que les pachydermes se transforment en gazelles entre temps est à peu près nul. Les alimenter, c’est renoncer presque à coup sûr à voir naître un véritable espace de services autre que dissident.

Le plus tragique, c’est que les mastodontes autoproclamés “éléphants officiels” grâce aux premiers appels d’offres se piquent désormais de savoir mieux que le gouvernement préparer les prochaines étapes. Il n’y a pas meilleure table que celle où l’on rédige soit même le menu…

Ainsi, en allant au plus simple (et surtout au plus rapide), le politique s’enferme-t-il dans une attitude schizophrène : ce qu’il annonce répétitivement comme une priorité, il s’ingénie avec la même persévérance à le rendre impossible par ses actions.

Souhaitons qu’en 2007, l’esquisse d’une corne de gazelle se dessine – même timidement – sur le fond grizâtre de l’amas des éléphants. Ce serait le signe que l’avenir est enfin rendu possible !

Le château des Soviets

Thursday, November 30th, 2006

C’est en général une réelle satisfaction de découvrir que quelqu’un exprime publiquement un sentiment, une impression, quelque chose que vous sentez intuitivement sans parvenir à le généraliser. Mais quand vous êtes ainsi amené à constater qu’une intuition désagréable est devenue une tendance fâcheuse et palpable, l’effet est plutôt anxiogène. Jugez-en :

Une des chroniques de Didier Nordon dans le magazine Pour la Science de décembre est baptisée « La revanche des Soviets », et pour tous ceux qui suivent d’un peu près la grande aventure du Dossier Médical Personnel (le DMP), elle semble funestement taillée sur mesure.

Alerte ! L’URSS est en train de gagner la guerre. Il se passe actuellement ce qui se passe si souvent au cours de l’histoire : le pays qui a perdu la lutte politico-militaire impose ses mœurs à ses vainqueurs.
Une caractéristique de l’URSS était l’incohérence entre les réalités et les descriptions qui en étaient faites dans les rapports. Sur le papier, les programmes étaient toujours remplis à 150 sinon 200 pour cent. Dans les faits, il en allait bien autrement. L’URSS était un château de bluff.
Ce phénomène a disparu de l’URSS – et pour cause !-, mais n’a pas disparu de la planète pour autant. En France, toutes les professions sont infestées d’objectifs à atteindre et de bilans affirmant que les objectifs de la période écoulée ont effectivement été réalisés. Le temps de travail est dévoré par le temps consacré à se faire évaluer, à s’auto-évaluer, à s’entre-évaluer. L’idéologie de l’optimisation des rendements a des effets aussi néfastes que l’idéologie communiste : les procédures bureaucratiques de contrôle d’activités se multiplient, donc aussi, fatalement, les ruses mises en place pour faire croire aux représentants que tout se passe selon leurs désirs. Le décalage entre les faits et l’image qui en est donnée est énorme. Gare au jour où tout cela s’écroulera !

L’un des tournants du DMP a eu lieu lorsque le troisième haut fonctionnaire nommé à sa tête en un peu plus d’un an a signifié aux industriels qu’ils avaient construit des châteaux en Espagne en imaginant que chaque dossier pourrait être rétribué entre 10 et 20 euros annuels alors que le vrai chiffre était dix fois moindre. En réalité, je sais depuis longtemps, mais sans avoir trouvé le mot moi-même, qu’il s’agit bien dès l’origine d’un château de bluff.

Le 4 décembre, le GIP-DMP (en l’espèce Groupement d’Intérêts Politiques bien avant l’intérêt public) organise une “grand-messe avec Ministre”. Je vais aller écouter en anthropologue les paroles de nos nouveaux Soviets. En tout cas, savoir grâce à Didier Nordon que cette triste mascarade s’étend bien au-delà de la sphère médico-technocratique fait froid dans le dos. Merci de vos commentaires… ils sont les bienvenus !

Une bien singulière absence de pluriel

Sunday, November 19th, 2006

Le Dossier Personnel de Santé est un concept très à la mode. Aucun gouvernement de pays développé n’a résisté à l’annonce de sa mise en œuvre dans les prochaines années.

Ce faisant, souhaite-t-on extirper les informations de santé des alcôves où elles sont dispersées afin de rendre plus « libre et responsable » la personne qu’elles décrivent, ou bien veut-on mettre à disposition de l’état l’outil d’un nouveau contrôle ?

En France, l’unicité est de mise, et il convient de parler au singulier du Dossier Médical Personnel mis en œuvre par l’Etat : LE DMP. Le singulier est obligatoire ; l’exemplaire sera unique et l’état entend le contrôler par force de loi et fixer ses règles au travers d’appels d’offres.

Dans “La responsabilité : essai sur le fondement du civisme” (Paris, Hatier, 1994), Jean-Marie Domenach éclaire assez bien ce qui est ici à l’œuvre : « La fin des totalitarismes n’a pas aboli la prétention de l’Etat au monopole de la responsabilité politique. L’Etat providence, l’Etat du bien-être, a ses moyens propres, certes plus doux mais non moins efficaces, de déresponsabiliser les citoyens en les gavant de protections et de distractions qui assurent un ordre où les rebelles sont vite isolés et marginalisés. »

Outil de la puissance d’Etat, le DMP sera donc conçu dans une démarche paternaliste de protection du citoyen et non pour lui donner du pouvoir, lui permettre d’affirmer sa particularité. De par la loi, nous ne serons donc propriétaire de notre DMP qu’en tant qu’usager d’un service public.

Pourtant, et contrairement aux idées reçues, diversité et compétition sont de bonnes choses en médecine comme ailleurs. Richard Smith démontre bien, dans un éditorial du Gardian (Everyone could be a winner), que si la course effrénée au meilleur prix peut se révéler catastrophique, la recherche d’une qualité de service toujours meilleure est, par contre, favorable à l’ensemble du système.

Le DMP n’est aujourd’hui qu’un jouet politique, pourtant les dégâts causés par la démarche étatiste sont déjà significatifs. Offrir des services adaptés à chacun, particulièrement dans un domaine aussi complexe que celui de la santé, demande en effet une inventivité considérable ; confier ce travail à des fonctionnaires, au surplus lorsque ceux-ci sont empêtrés dans des contraintes législatives rigides et ont pour consigne première de tenir un calendrier purement électoraliste, constitue une forme d’exception française.

Il aurait sans aucun doute été possible de susciter l’innovation en guidant souplement le développement d’une offre de services diversifiée, à l’image de l’immense variété de la demande et de l’offre en santé. Mais le pouvoir s’exerce tellement plus aisément par ces appels d’offre massifs, dits de « de généralisation », où le politique est valorisé à la fois par les sommes annoncées et par le dialogue avec les grands groupes industriels. C’est un exercice convenu entre acteurs qui se connaissent bien et où, comme l’écrivait Domenach, les rebelles sont marginalisés ; ces mêmes rebelles qui, ailleurs, écrivent l’histoire de la net-économie, et dont viendront inéluctablement les solutions d’avenir qu’il nous faudra importer.

Healh knowledge distance

Thursday, April 13th, 2006

Till the end of World War 2, the medical domain was small enough for every practitioner to know what the skills and knowledge of each and every other actor were. For example, whatever the surgical act, a General practitioner (GP) perfectly knew how the surgeon operated; and even if his hands couldn’t have done it, the GP’s brain knew how to do it.

From this time to now, the technological big bang has dramatically enlarged the medical knowledge area. We can actually say that it has been acting as a centrifugal force, pushing practitioners away from one another through a process of over specialization in order to cover an ever increasing knowledge surface.

In the current situation, it is possible to assert that a given actor knows very little about other specialists’ behaviour. One major side effect is that when he/she receives a report coming from a specialized colleague, then most of the information this report contains have no prognostic meaning for him/her.

Hopefully, we are living a crucial moment since there is clear evidence that the centrifugal force is largely decreasing: in the drugs domain, no genuine blockbuster is awaited, and class actions like Vioxx show that niche products can’t artificially be over marketed; in the same way, in the hardware domain, the electronic, then computer revolutions are behind us, and no major innovation is awaited.

The expected innovation boost is in a pipeline that will probably be longer than expected: genomic drugs and nanotechnologies won’t be ready soon as something else than a niche market. So, we actually are reaching an asymptote for usual technologies, and will have to follow this nearly flat curve for some years. In such a situation, new products are hardly better than old ones, but any little improvement leads to a major rising in price. Very few societies, if any, can afford that.

Our challenge now is to find new directions and discover how we can keep people as healthy as possible at an affordable price. Continuity of care is certainly the most promising candidate: knowing and organizing a person’s health journey can permit to optimize care delivering, but also opens the door for prevention. The most important aspect is probably that this approach is focused on the person, and no longer on the disease: our subject evolves from a patient to a person, and he/she gains the ability to envision his/her health as a precious asset he/she has to manage all life long.

Since each health actor is now seen as a contributor to a common journey, the knowledge distance between them is the major issue to address if we want to put such systems at work. And since the citizen also becomes an actor, we now have to deal with another kind of knowledge distance.

The new revolution in the medical domain will probably happen from information and communication technologies (ICT): by leaving data management behind, and entering the knowledge management realm… for citizens’ sake.


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